L’histoire du Nutri-score commence en 2014. Depuis cette date nous avons eu droit à un florilège de polémiques, controverses et bras de fer entre les acteurs. Bilan des avancées.
Polémiques : les multinationales à la manœuvre
Qui n’a pas été ému par les témoignages des producteurs de produits d’appellations d’origine protégée (AOP) ou d’indications géographiques protégées (IGP) de certains fromages (roquefort en tête) ou charcuteries ? En effet : ces produits dont la qualité et l’ancrage terroir sont « garantis » par ces appellations possèdent de plus mauvais Nutri-scores que leurs équivalents industriels !
La raison est simple pourtant : les cahiers des charges de ces produits exigent des ingrédients et des compositions qui nuisent au Nutriscore. Mais pas de panique : une consommation raisonnée ou occasionnelle, comme c’est souvent le cas pour ce genre de produits permet de limiter les risques sur la santé, d’une part, et leur statut de « niche » les met vraisemblablement à l’abri d’une érosion de leur marché, d’autre part.
Évidemment on a envie de soutenir ces producteurs, sauf que… un collectif de médecin et chercheurs en santé publique révèle dans une tribune du Monde que “derrière ces produits se cachent de puissantes multinationales comme Lactalis (numéro 1 mondial des produits laitiers) et Savencia (5ème groupe mondial). Lactalis détient 70 % de la production de roquefort et de nombreux autres fromages, contrôle la moitié des AOP françaises de fromages et commercialise également des crèmes dessert, du beurre, de la crème fraîche… des produits tous classés D et E par le Nutri-score. Savencia, à côté de sa large gamme de fromages – dont plusieurs AOP (maroilles, roquefort, époisses) –, produit aussi de la charcuterie et du chocolat (également D et E)” [1].
Ainsi la communication anti-Nutri-score serait menée par ces grands groupes en s‘appuyant sur l’image de petits producteurs et d’éleveurs locaux ? Lactalis et les autres industriels avanceraient-ils masqués pour tenter de bloquer le Nutri-score ?
Pourtant : une efficacité réelle
L’efficacité du Nutriscore n’est plus à prouver. L’analyse détaillée des données disponibles montre que celles-ci sont robustes. Elles sont nombreuses (presque une centaine d’études), s’échelonnent sur plusieurs années et sont issues de travaux internationaux pour presque la moitié. On peut donc parler d’une approche indépendante !
De ces dizaines d’études il ressort que :
- 94% des français sont favorables à la présence du Nutri-score sur l’emballage et 54% déclarent avoir changé au moins une de leurs habitudes d’achat grâce à celui-ci [2].
- Les produits possédant les meilleures valeurs nutritionnelles (A et B) s’avèrent plus dynamiques : leur chiffre d’affaires est en hausse (respectivement +1.0% et +0.8%) quand celui des produits C et D est en recul de -1,1 % et -0,2 %. Données 2019 [3].
- Les personnes consommant les aliments les mieux notés avaient un risque plus faible de maladies chroniques et de mortalité liées à la nutrition, voir par exemple [4] [5].
- Le Nutri-score s’est révélé être le système le plus efficace pour améliorer la qualité nutritionnelle lors de l’achat, et ce en population générale, voir par exemple [6] [7]. Ce point a également été validé par un essai randomisé britannique, qui a notamment testé l’efficacité de quatre labels nutritionnels sur un panel de 4 500 consommateurs et conclut que le Nutri-score est celui qui a le plus d’effets [8].
Vers l’Europe, inéluctablement
Le Parlement européen s’est réuni le 19 octobre dernier pour évaluer et discuter le principe de l’étiquetage nutritionnel des produits. L’objectif à ce stade était de définir un système harmonisé pour aider les consommateurs à mieux choisir leur alimentation, dans tous les pays de l’Union.
Les résultats de cette réunion ont permis d’établir la prochaine étape du projet : proposer un système issu de la compilation des expériences menées sur le continent. L’étape suivante consistera en la mise en place d’un système unique, à mettre en place au quatrième trimestre 2022.
Le Nutri-Score est déjà présent dans différents pays européens, dont la France, l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas ou encore le Luxembourg. L’application en Europe va de soi. Lobbies ou pas. C’est simplement une question de temps.
A suivre.
Références et crédits images :
[1] Lobbying contre le Nutri-score : « Une fois de plus, la santé publique est confrontée à des intérêts économiques et politiques », Le Monde, 16 novembre 2021.
[2] Évaluation à 3 ans du logo nutritionnel Nutri-score, Santé publique France & Oqali, février 2021.
[3] Cabinet Nielsen, octobre 2019, https://www.nielsen.com/fr/fr/.
[4] Deschasaux M & al., Are self-reported unhealthy food choices associated with an increased risk of breast cancer? Prospective cohort study using the British Food Standards Agency nutrient pro ling system. BMJ 2017.
[5] Adriouch S & al., Prospective association between a dietary quality index based on a nutrient pro ling system and cardiovascular disease risk. Eur J Prev Cardiol. oct 2016.
[6] Egnell M & al., Objective and understanding of the Nutri-score front-of-pack label by European consumers and its e ect on food choices: an online experimental study. Int J Behav Nutr Phys Act. nov 2020.
[7] Crosetto P & al., Nutritional and economic impact of five alternative front-of-pack nutritional labels: experimental evidence. Eur Rev Agric Econ. août 2019.
[8] Il faut que l’Europe adopte « dès que possible » le logo Nutri-score, demandent 270 scientifiques, Le Monde, 16 mars 2021.
> illustration : image sous licence, Dreamstime.
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