En France, depuis 2020 l’objectif est la réduction de 50% du gaspillage alimentaire d’ici 2025 par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective. Et de 50% d’ici 2030 dans les domaines de la consommation, la production, la transformation et la restauration commerciale.
Objectif impossible à tenir ? Pas si sûr. La valeur théorique des pertes et gaspillages est évaluée à 16 milliards d’euros par l’Ademe. Même si cela peut étonner, c’est la réalité : lutter contre le gaspillage génère une certaine activité économique, dont création de projets et d’entreprises.
Et c’est le cas : gouvernement, associations, entreprises, start-ups & applis… un mouvement global est au service de l’action anti-gaspi. Cette collaboration grossit sans cesse ; les initiatives, nationales ou locales fleurissent constamment.
Revue.
Pacte national contre le gaspillage
La France prend le problème au sérieux ; depuis 2013 la législation s’adapte, se durcit.
Les mesures concernant l’interdiction de destruction des invendus et l’obligation, pour les magasins alimentaires de grande taille, de proposer une convention de don à des associations ont largement aidé au développement d’une structure associative anti-gaspi active.
Le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire (voulu par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation) va encore plus loin en réunissant et en coordonnant des dizaines d’acteurs de la chaine alimentaire [4]. Les objectifs sont notamment :
- Participer à la quantification du gaspillage alimentaire
- Promouvoir le don alimentaire
- Soutenir les dispositifs de collecte et de redistribution des dons
- Accompagner la restauration collective dans la prévention du gaspillage et le don alimentaire
- Développer des dispositifs de récupération, transformation et don des invendus sur les marchés alimentaires publics
Applis anti-gaspi : à la mesure du problème
Les applis anti-gaspi, associées aux réseaux sociaux forment une riposte technologique solide au gaspillage. Des dizaines de millions de repas servis, des dizaines de milliers de commerçants connectés aux réseaux et surement des millions de tonnes de nourriture épargnée. Ces ordres de grandeur montrent que l’on tient un outil efficace et adapté pour lutter contre le gaspillage.
Des structures solides ont initié le mouvement, elles sont maintenant en très grand nombre. Certaines applications sont devenues incontournables. Citons notamment (liste non exhaustive !) :
- Too Good To Go : l’une des plus connues. Elle permet grâce à la géolocalisation de se voir proposer une liste de commerces situés à proximité qui redistribuent les invendus et qu’il est possible de récupérer, sous forme de « paniers surprise », à prix cassés (France entière).
- Phenix : revendiquant 140 millions de repas servis depuis 2014, l’appli permet aux particuliers d’acheter à bas prix les invendus alimentaires des commerçants / restaurateurs autour de chez soi (France entière).
- Karma et Sauve ton bio proposent des activités similaires mais leur offre est plus ciblée (respectivement Ile de France et Bretagne).
- Geev : il s’agit d’un service initialement destiné au don d’objets entre particuliers, mais qui a évolué vers l’alimentaire, suite à une étude réalisée auprès des utilisateurs révélant qu’une grande majorité des utilisateurs y étaient favorables.
- Zéro-Gâchis a pour mission d’aider les grandes surfaces à gérer leurs invendus. L’appli permet non seulement de connaître la liste des entités engagées cette démarche, mais donne également la possibilité aux utilisateurs de signaler un magasin.
- Linkee : en Ile de France, plusieurs milliers de contributeurs signalent les opportunités via l’application qui permet de collecter les légumes bio, féculents, laitages, plats préparés et même pâtisseries invendus et de les destiner spécifiquement aux étudiants.
- HopHopFood est une application anti-gaspi solidaire gratuite qui permet aux commerçants de donner en priorité aux personnes en difficulté.
- Save Eat ou Frigo magic permettent de préparer des recettes simples cuisinées à partir des restes de son frigo, une denrée qui part généralement à la poubelle. Les applis peuvent gérer les dates de péremption et les caractéristiques des produits via leur code barre.
Application Geev, proposant des dons de nourriture entre particuliers, https://www.geev.com/fr
Un maillage associatif puissant
De son côté, le développement associatif s’est transformé en véritable engouement. Depuis quelques années, les initiatives pleuvent. Les commerçants, les entreprises, les particuliers s’engagent avec les associations, sur l’ensemble du territoire. Ici aussi les résultats en termes de repas servis ou de nourriture épargnée sont impressionnants.
Quelques actions récentes, choisies parmi des dizaines (actualité printemps / été 2021) :
- Dans les Côtes d’Armor, La Maison de la Crêpe, qui produit chaque jour plus de 12000 crêpes et galettes de sarrasin retire désormais des grandes surfaces les crêpes invendues 5 jours avant leur date de péremption pour les proposer 30% moins chers dans un magasin de l’enseigne Nous anti-gaspi. Résultat : 300 crêpes sauvées par semaine (https://www.lci.fr/conso/video-tf1-magasins-specialises-supermarches-comment-la-grande-distribution-lutte-contre-le-gaspillage-alimentaire-2192026.html).
- La jeune entreprise In Extremis cible les pertes des producteurs et entreprises alimentaires et les utilise pour une gamme propre consistant en trois recettes de biscuits “anti-gaspi” fabriqués à partir de pain invendu et de son de blé (https://www.linfodurable.fr/entreprises/biscuits-en-vrac-made-france-anti-gaspi-du-pain-sauve-extremis-de-la-poubelle-25023).
- En région lyonnaise, une quinzaine de restaurateurs s’organisent via un site internet dédié pour concocter des menus « surprises » avec les restes mis en commun (https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/restauration-de-nouvelles-idees-pour-eviter-le-gaspillage_4729501.html).
- A Saint Nazaire, l’association Au marché solidaire récupère les fruits et légumes invendus en partance pour la poubelle (ce sont les produits les plus gaspillés) directement en fin de marché et les redistribue aux passants (https://nantes.maville.com/actu/actudet_-saint-nazaire.-solidarite-et-anti-gaspillage-au-marche-_dep-4745661_actu.Htm).
- La start-up bordelaise Geev profite de l’été pour promouvoir une cible particulière de son appli permettant les dons de nourriture entre particulier : la redistribution entre voisins avant les départs en vacances (80% des dons d’aliments qui se font dans un périmètre d’un kilomètre). Trois millions d’utilisateurs et déjà 500 000 dons alimentaires en deux ans (https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/consommation-lutter-contre-le-gaspillage-alimentaire-grace-a-une-application_4714715.html).
- La plateforme Jette Pas Partage est une association qui réunit des bénévoles et qui permet la mise en relation, via un site Internet, de professionnels ou de particuliers avec des personnes dans le besoin. Les dons alimentaires sont la cible, mais pas uniquement.
- Smartway, spécialisée dans la mise au point de solutions pour aider les distributeurs à bien gérer les dates limites de consommation, a levé au printemps 10 millions d’euros et vise désormais les 4000 points de vente dans quatre pays européens (https://www.20minutes.fr/nantes/3115427-20210904-gaspillage-alimentaire-carton-smartway-societe-seduit-supermarches-clients)
- NOUS anti-gaspi, spécialisée dans la valorisation des invendus, prévoit l’ouverture d’une dizaine de magasins en 2021. Présente en Île-de-France et dans l’Ouest, « Nous » s’étend et prépare notamment une arrivée sur Lille (https://www.lavoixdunord.fr/1028612/article/2021-06-17/lille-nous-anti-gaspi-debarque-rue-gambetta).
Vincent Justin et Charles Lottmann, fondateurs de « Nous » (https://www.nousantigaspi.com/philosophie/)
Conclusion, perspectives
Mené sous l’égide de France Nature Environnement (FNE) notamment, ce Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire est arrivé à son terme en 2020. Une évaluation des résultats est en cours.
Mais d’ores et déjà on sait que le bilan sera positif. Parce que le cercle est vertueux : la lutte anti-gaspi fait cohabiter la technologie, l’esprit d’entreprise, le social et la solidarité. Par ailleurs l’association législation / initiatives privées et associatives est efficace et l’engouement national autour de la lutte anti-gaspi en témoigne.
Téléchargez les applis, rejoignez les actions associatives, luttez contre le gaspillage, bon appétit !
Références :
• Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire 2017-2020, Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, 2017
• Les initiatives de lutte contre le gaspillage alimentaire et pour les acteurs de la chaîne alimentaire, Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, 2020.
• Gaspillage alimentaire, Ministère de la Transition Ecologique, site Web, septembre 2021.
> illustration : Natural development, depuis différentes images sous licence creative commons, Pixabay.
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