Remontons aux origines, aux sources et causes du gaspillage alimentaire et fournissons les chiffres.
En 2016 le Cabinet Boston Consulting Group (BCG, USA) a évalué à 1,6 milliards de tonnes la nourriture perdue ou gâchée annuellement dans le monde, soit un tiers de la ressource totale [1]. Selon cette même source, le phénomène est en expansion ; on attend 2,1 milliards de tonnes d’ici à 2030.
Ces chiffres sont à associer à d’autres, alarmants : alors que 870 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, les émissions de gaz à effet de serre correspondant à ce gaspillage sont évaluées à 8% du total mondial. La ressource en eau nécessaire à l’élaboration de ces aliments gaspillés est colossale et est une pure perte. Au problème social et économique s’ajoute ainsi un problème environnemental.
Gaspillage alimentaire dans le monde : entrons dans la matrice
Au niveau mondial, la structure du gaspillage peut être présentée comme suit :
- Tous les acteurs industriels de la chaine alimentaire sont concernés, de même que les consommateurs.
- On gaspille absolument partout dans le monde : dans les sociétés riches comme dans les pauvres (ces dernières gaspilleraient même davantage ; l’Afrique sub-saharienne arrive en « tête » du classement… [2]).
- Les sources du gaspillage sont assez équitablement réparties au long de la chaîne alimentaire : de la production à la consommation dans nos assiettes, en passant par la transformation, le stockage et la distribution.
- Tous les aliments sont concernés, même si les fruits et légumes sont les plus gaspillés, et de loin (la viande arrive ensuite).
Répartition des pertes alimentaires au long de la chaîne, chiffres mondiaux, CBCG [1]
Par ailleurs, le gaspillage a un coût exorbitant, évalué à au moins 1200 milliards de dollars. La répartition est particulière : plus de 50% du total est perdu en partie aval et surtout lors de la consommation. Cette situation permet de transformer le gaspillage en opportunité financière, qui peut aider la lutte (en refusant ce manque à gagner), lors de la distribution, au niveau industriel, et même au niveau des particulier, lors de la consommation.
Répartition des pertes financières au long de la chaîne, chiffres mondiaux, CBCG [1]
En France le Gaspillage alimentaire représente 10 millions de tonnes
Une étude menée en 2016 par l’Ademe a fait état de chiffres nationaux alarmants. On parle de 10 millions de tonnes de nourriture perdues, correspondant à 16 milliards d’euros (données 2016), un budget voisin de celui du Ministère des Solidarités et le la Santé en 2020…
A domicile un français jette ainsi en moyenne 30 grammes de nourriture par repas, soit 29 kg/pers/an et cela lui coûte directement presque 250 euros ! Au restaurant les pertes sont multipliées par 4 (d’une façon générale, on estime la perte à environ 130g/convive/repas).
Au niveau national, les émissions de gaz à effet de serre correspondant au gaspillage sont évaluées à 15,3 millions de tonnes équivalent CO2, soit 3% du total [3].
En France comme ailleurs, le gaspillage se retrouve au sein de tous les maillons de la chaîne :
- 32% en phase de production.
- 21% en phase de transformation.
- 14% en phase de distribution.
- 33% en phase de consommation.
Répartition des pertes tout au long de la chaîne, chiffres France, Ademe [3]
Les produits sont triés / sélectionnés lors de la production ; les procédés de transformation en produits finis impliquent automatiquement la casse d’une part supplémentaire. Lors du stockage / transport, les incidents sanitaires et les ruptures de chaine du froid nécessitent d’en détruire quantité d’autres…
Plus en aval, c’est pareil. A cause de prévisions de vente erronées et d’un manque de circuits de valorisation adéquats (même si des améliorations existent grâce à des mesures législatives spécifiques) la distribution a sa part de responsabilité, tout comme le consommateur, qui gâche par négligence (stockage inapproprié, dépassement des dates de conservation…) ou par préparation de portions inadaptées…
Conclusion, perspectives
Nous parlons d’un fléau majeur. Ne stigmatisons personne : nous sommes tous responsables. Au contraire, affrontons unis l’hydre du gaspillage qui crache au visage de près de 900 millions de personnes souffrant quotidiennement de la faim. Industriels et consommateurs, sociétés nanties ou démunies (contrairement à une idée reçue, les pays pauvres gâchent autant de nourriture que les pays riches), nous gaspillons tous.
Les sources du gaspillage sont partout : de la production à la consommation dans nos assiettes, en passant par la transformation et la distribution… Et le problème est bien là : on ne terrasse pas facilement un monstre à plusieurs têtes.
La France prend le problème au sérieux ; depuis 2013 la législation s’adapte, se durcit. Par ailleurs, le législateur mène une initiative intéressante : il s’adosse aux initiatives associatives et privées. Ainsi est né le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire (la dernière phase s’étend entre 2017 et 2020) qui réunit l’ensemble des acteurs de la chaine alimentaire (voir notre article Gaspillage alimentaire (2/2) : la puissance des initiatives privées). A suivre.
Références :
[1] Tackling the 1.6-Billion-Ton Food Loss and Waste Crisis, Boston Consulting Group, 2018.
[2] Food Waste Index report 2021, United Nations Environment Programme, ISBN No: 978-92-807-3851-3.
[3] Pertes et gaspillages alimentaires : l’état des lieux et leur gestion par étapes de la chaine alimentaire, Ademe, mai 2016.
[4] Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire 2017-2020.
> illustration : image en creative commons, Wikimedia.
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