2022 devait sonner le glas des emballages plastiques pour les fruits et légumes. Pour TOUS les fruits et légumes conditionnés en moins de 1,5 kg.
Cependant, allant contre sa première intention et contre certaines ONG et représentants de la société civile, le législateur ouvre la porte à des exemptions. Une vingtaine de fruits et légumes vont ainsi bénéficier d’un sursis à l’interdiction ; les échéances passent ainsi à mi-2023, fin 2024 ou même mi-2026, selon les produits concernés.
Mais tout n’est pas figé… ces données sont basées sur un projet de décret qui suit un avis intermédiaire du CNA (Conseil National de l’Alimentation). Des évolutions sont donc encore possibles.
Les fruits et légumes : un marché énorme et un enjeu majeur pour la réduction des emballages plastiques
La France est le 4ème pays producteur de fruits et légumes en Europe (derrière l’Espagne, l’Italie et la Pologne). La production des fruits et légumes frais représente environ 8 millions de tonnes (hors pommes de terre). La consommation est en hausse en 2020, avec plus de 168 kg par an et par ménage. La consommation a représenté 18 milliards d’euros de chiffre d’affaires (hors pommes de terre) en 2016 et elle est en hausse : +5% en 2020 et +1% en 2019 [1].
Données marché fruits & légumes frais : évolution dans le temps, Interfel, mars 2021 [1].
La part de l’emballé, dans ce marché, varie de 14 à 70%. Les quelques chiffres, repris ci-dessous par circuit, témoignent de l’enjeu majeur que représentent les fruits et légumes en terme de réduction des emballages plastiques (Kantar 2020 [2]).
Part de l’emballé dans les ventes en volume de fruits et légumes, par circuit, source : Kantar 2020 [2] in [5].
L’esprit initial de la loi Agec
L’article n°77 de la loi AGEC [3] précise que « tout commerce de détail exposant à la vente des fruits et légumes frais non transformés est tenu de les exposer sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique. Cette obligation, qui pourrait entrer en vigueur à partir de 2022, n’est pas applicable aux fruits et légumes conditionnés par lots de 1,5 kg ou plus ainsi qu’aux fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac dont la liste est fixée par décret ».
En clair ; exit le plastique des emballages pour les fruits et légumes conditionnés de moins de 1,5 Kg, et ce dès 2022.
D’âpres négociations… un avis du CNA… le gouvernement suit
De vives négociations ont eu lieu, en 2020, concernant la mise d’en place d’un calendrier, ou, pour le dire plus précisément, la définition d’une liste d’exemptions. Les échanges ont ainsi opposé professionnels de la filière fruits et légumes et ONG environnementales / représentants de la société civile sur la possibilité de différer l’obligation pour certains produits.
La négociation a finalement abouti à l’édition d’un avis intermédiaire, émis par le CNA (Conseil National de l’Alimentation) à la fin septembre 2020 [4], qui préconise différentes échéances pour la mise en oeuvre de la loi, en fonction de deux critères :
- la capacité des denrées à être vendues en vrac sans détérioration
- la difficulté de la substitution du plastique d’autre part.
Cet avis a été suivi par le gouvernement qui a élaboré au printemps 2021 un projet de décret fixant les lignes du calendrier, assez conforme aux préconisation du CNA. Dans ce projet (“décret relatif à obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique” [5]), une quarantaine d’exemptions sont signalées (mi-2023 / fin 2024 / mi-2026), dont certains produits préférés des français selon Kantar, dont tomates, concombres, courgettes, chou-fleur, poire, bananes, pommes de terre, carotte, raisin, pêche, kiwi, oignons, fraise :
Des réactions amères, certains acteurs vent debout
Suite à cet avis et le décret qui s’en est suivi, certaines réactions sont toujours vives : “De nombreux produits, d’ores et déjà largement vendus en vrac, se retrouvent listés dans le tableau avec des échéances inacceptables” regrettent par exemple les ONG FNE, Tara Océan, WWF, Zéro Waste France, Refedd, Générations futures. Ceux-ci dénoncent par ailleurs un travail “prétendument collectif” auquel se sont mêlés des arguments “d’ordre marketing et organisationnels” pour retarder la mise en œuvre de la loi Agec.
L’interprofession des fruits et légumes frais – Interfel – s’est défendue, via un communiqué, et assure avoir “toujours soutenu les solutions alternatives aux emballages plastiques”, au terme de longs mois d’échanges “en toute transparence” [7].
Dans ces conditions l’histoire n’est peut être pas terminée… nous la suivrons.
Références et crédits images :
[1] Bilan de consommation 2020 – Fruits & légumes frais, Interfel, mars 2021.
[2] Kantar 2020.
[3] Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi AGEC), Légifrance.
[4] Avis n°86 – 09/2020 – Fruits et légumes pouvant être exemptés de l’interdiction de présentation dans des emballages plastiques [intermédiaire], CNA (Conseil National de l’Alimentation), octobre 2020.
[5] Projet de décret relatif à l’obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique, 8 mars 2021, Ministère de la Transition Ecologique.
[6] Le rayon fruits et légumes fait la chasse au plastique inutile, LSA, 29 janvier 2021.
[7] Pas de consensus sur l’exemption du plastique pour les fruits et légumes, Agra presse, octobre 2020.
• Code de la consommation, version consolidée au 12 février 2020, Copyright 2007-2020 Légifrance.
• Code de l’environnement, dernière modification le 24 avril 2020. Copyright 2007-2020 Légifrance.
> illustration : image à la une : Pixabay
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